PROGRES TECHNIQUE ET EVOLUTION ECONOMIQUE CHEZ J.A SCHUMPETER.
1) QUELQUES ELEMENTS DE BIOGRAPHIE.
Joseph Alois Schumpeter né en 1883 en Autriche, après un cursus pluridisciplinaire (droit, histoire et économie) à Vienne où il soutient sa thèse en 1908.
Il publie ses premiers ouvrages entre 1908 et 1912.
Après quelques expériences politiques (il est ministre des finances d’un gouvernement socialiste), industrielles et financières ( il est directeur de la Bidermann Bank qui fait faillite en 1924) dans les années 1920, il se consacre à l’enseignement universitaire tout d’abord à Bonn puis à partir de 1932 à Harvard où il occupe la chaire d’économie, il y publiera l’essentiel de son œuvre fuyant ainsi le régime nazi.
Penseur hétérodoxe, Schumpeter est un théoricien novateur de la dynamique économique en mettant en évidence les relations entre le progrès technique et la croissance.
Il réinterprète la théorie des cycles longs en démontrant que le progrès est à l’origine de l’évolution économique et en plaçant l’entrepreneur- innovateur au centre de cette dynamique.
S’interrogeant sur le devenir du capitalisme, il aboutit à une conclusion plutôt pessimiste, en annonçant l’essoufflement des innovations majeures, le développement de la bureaucratie et à terme le dépérissement du système capitaliste.
Il meurt aux Etats-Unis en 1950.
2) LA PLACE DE SCHUMPETER DANS LA PENSEE ECONOMIQUE.
Schumpeter est un économiste hétérodoxe c’est à dire un penseur que l’on ne peut classer dans aucun des trois grands courants de pensée en sciences économiques (Libéraux, keynésiens et marxistes).
Il apparaît ainsi comme un penseur libre et original.
Il emprunte beaucoup à Marx mais il s’inscrit dans un prolongement particulier de l’école de Vienne (Néoclassiques marginalistes comme Böhm-Bawerk ou Menger)
Les apports de Schumpeter sont nombreux, on peut citer la théorie des cycles, l’analyse du rôle de l’innovation et de l’entrepreneur dans la croissance économique et sa théorie sur l’évolution du capitalisme.
Schumpeter retrouve une certaine actualité après un long oubli du fait de son hétérodoxie, relégué au second plan derrière la pensée keynésienne et néoclassique.
3) LES GRANDES LIGNES DE LA PENSEE DE SCHUMPETER.
Schumpeter étudie d’abord le circuit économique qu’il présente comme une situation où les mêmes biens sont produits de période en période et où les offres et les demandes s’équilibrent et déterminent les prix.
Il s’agit donc d’un état stationnaire, selon cet état est rompu par l’innovation.
Cette dernière provient d’un agent économique qui est l’entrepreneur qui pour maximiser ses profits cherche à se placer en situation de monopole temporaire.Cette décision crée une dynamique car d’une part, les autres entrepreneurs de la même branche imitent l’entrepreneur-innovateur et, d’autre part, les innovations vont se diffuser dans d’autres branches de l’économie.Il en résulte un phénomène de croissance générateur de cycle économiques.
L’Histoire économique est selon Schumpeter celle des « destruction-créatrices » dans laquelle les innovations sont motivées par une recherche constante des profits après une phase de ralentissement économique liée à la banalisation et à la saturation des précédentes innovations.
Donc, on trouve chez Schumpeter 4 grands axes de réflexion :
- L’entrepreneur schumpeterien est un entrepreneur-innovateur qui occupe un rôle central dans le système capitaliste, c’est la clé de voûte de ce système.
Etre entrepreneur pour Schumpeter, c’est mettre en œuvre de nouvelles combinaisons productives, rechercher sans cesse le changement, bousculer les habitudes (consommateurs mais aussi celles des autres entrepreneurs ) en réussissant à surmonter tous les obstacles qui se dressent devant lui.
Contrairement à l’entrepreneur néoclassique la recherche du profit n’est l’unique but poursuivi par l’entrepreneur schumpeterien qui cherche plutôt à déclencher la croissance par le biais de l’innovation.
- L’innovation se distingue de l’invention qui est une découverte scientifique, l’innovation est l’application de l’invention dans le domaine économique.
Schumpeter dresse une typologie des innovations qu’il sépare en cinq ensembles :
- fabrication d’un nouveau produit
- introduction d’une nouvelle méthode de production
- ouverture de nouveaux débouchés
- conquête d’une nouvelle source de matière première
- réalisation d’une nouvelle organisation productive
Les innovations vont supprimer, bouleverser, les anciennes structures économiques et en établir de nouvelles d’où phénomène de « destructions-créatrices »
Les innovations apparaissent de manière groupées grâce au processus de contamination, Schumpeter parle alors de « grappes d’innovations », ceci explique le caractère discontinu de l’évolution économique et l’apparition de cycles économiques.
-Les cycles économiques chez Schumpeter, un cycle se définit comme la succession relativement régulière de phases d’expansion et de récession. Il poursuit les analyses de Kondratieff ( 40 à 60 ans), de Juglar ( 6 à 10 ans ) et de Kitchin ( 40 mois ), l’apport de Schumpeter réside dans l’explication qu’il tente d’amener aux cycles contrairement aux penseurs cités ci-dessus, Schumpeter n’a pas qu’une approche descriptive du phénomène. Selon lui, les innovations majeures sont le moteur des cycles qui suivent un processus de destruction-créatrice, les entrepreneurs lancent des innovations puis, celles-ci voient leur demande se saturait, les profits diminuent et c’est le début d’une phase de récession jusqu’à la prochaine vague d’innovations majeures.
-La fin du capitalisme ?
Comme Marx, Schumpeter annonce la fin du capitalisme au profit du socialisme mais l’explication de ce dernier diffère de celle de Marx.
En effet, selon Schumpeter la fonction d’entrepreneur qui est menacée, la concentration des entreprises et la bureaucratisation des firmes détruisent l’esprit d’initiative, on met à la tête des entreprises des gestionnaires chargés de faire fructifier la capital, sans prendre de risque, l’entrepreneur devient un salarié de l’entreprise, son rôle est désormais de gérer, prendre des risques inconsidérés peuvent lui coûter sa place.
Le phénomène croissant de concentration avec la constitution des grandes entreprises peuvent assurer un fort niveau de recherche technologique. Leur grande taille leur permet d’obtenir pus facilement des moyens financiers nécessaires à l’innovation. Les petites entreprises disparaissent et l’esprit d’initiative aussi au profit de la courses aux bénéfices.
4) L’ACTUALITE DE SCHUMPETER ET SES PROLONGEMENTS.
Délaissés pendant les « 30 Glorieuses », concurrencés par les idées keynésiennes, les thèmes développés par Schumpeter comme le rôle de l’innovation dans l’explication des cycles économiques, les effets de taille des entreprises, le processus de destruction-créatrice…recouvrent une certaine actualité.
Les différentes interrogations sur la croissance, le renouveau des analyses économiques en termes de cycles, la place de l’entrepreneur sont autant de questions qui restent d’actualité de nos jours.
Pour les partisans de l’analyse schumpeterienne, la forte croissance des « 30 glorieuses » s’expliquerait par des innovations majeures dont la généralisation du fordisme ou la création de nouveaux biens de consommation mais tous ces moteurs seraient en panne depuis le milieu des années 1970 et aucune innovation majeure ne parviendrait à les remplacer.
Il faut nuancer ces propos, en effet, de nouveaux procédés de production se diffusent (automation) ainsi que de nouvelles organisations de la production comme les flux tendus, et de nouveaux produits continuent à affluer (micro-ordinateur).
La crise semble être due à un progrès technique trop important au contraire, qui induit une destruction-créatrice trop rapide pour laisser le temps à l’économie de se restructurer en douceur (ex : tel portable)
Schumpeter va aussi inspirer une nouvelle conception de la croissance.
Les théories traditionnelles de la croissance postulaient que la croissance de longue période est exogène c’est à dire que ses déterminants sont extérieurs à la sphère économique (ex : le progrès technique provient de la recherche scientifique)
Dans les années 1980-1990, de nouvelles théories de la croissance considèrent que le progrès technique serait à la fois une cause et une conséquence de la croissance.
On parle de croissance endogène, car la croissance provoque l’accumulation du progrès technique qui elle-même suscite la croissance, cette analyse se trouve déjà chez Schumpeter qui affirmait que les innovations progressives résultent de l’amélioration des innovations précédentes.
Phénomène de concentration qui tue l’esprit d’initiative mais à nuancer avec des exples comme Microsoft qui malgré sa position dominante, quasi-monopole continue à énormément dépenser dans la recherche développement pour toujours innover et ainsi conserver sa position de leader sur le marché.