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Egalisation des conditions et democratie chez Alexis Henri Charles Clérel, vicomte de Tocqueville

EGALISATION DES CONDITIONS ET DEMOCRATIE CHEZ ALEXIS CLEREL DE TOCQUEVILLE



1° ELEMENTS DE BIOGRAPHIE

Tocqueville, né le 29 juillet 1805 à Paris, est issu d’une vieille famille aristocratique normande qui a payé un lourd tribut à la Terreur.

Toutefois, ses engagements politiques et ses travaux ne se seront jamais guidés par la nostalgie de l’Ancien Régime. Il accepte, par raison, l’héritage révolutionnaire, et comprend que la marche vers la démocratie est une tendance inéluctable des sociétés modernes.

Cet aristocrate se définissait comme un monarchiste et un libéral qui s’était rallié sans enthousiasme à Louis Philippe en 1830

En 1831, alors qu’il est magistrat au tribunal de Versailles de puis 1827, il obtient d’être envoyé en mission aux Etats-Unis, avec pour motif officiel d’analyser le système pénitentiaire américain. A l’issue de ce voyage, il écrit un ouvrage qui connaît un immense succès, « De la Démocratie en Amérique ».

Le premier tome paraît en 1835, le second en 1840.

Tout au long de l’ouvrage, c’est la démocratie et non l’Amérique, simple cadre de sa réflexion, qui constitue le véritable objet d’étude de Tocqueville.

Il sut tirer profit politiquement de ce succès, puisque il est élu député de la Manche en 1839, et sera reconduit constamment dans ses fonctions jusqu’en 1851, date de sa retraite politique.

Dans l’intervalle, il participe activement à la vie parlementaire et prend position courageusement en faveur de la réforme des prisons ainsi que de l’abolition de l’esclavage.

Dès janvier 1848, il sent le vent de la révolution se lever à nouveau sur le pays. Sans illusion quant a l’avenir, il accepte cependant la proclamation de la République, donne même son avis sur la nouvelle constitution.

En juin 1849, il devient ministre des Affaires étrangères, quelques mois plus tard, il est contraint de démissionner sous la pression de Louis-Napoléon Bonaparte qui prétendait diriger le pays à sa guise.

Après le coup d’état de décembre 1851, il se retire définitivement de la vie politique, cherchant à tirer la leçon des événements auxquels il avait participé, il entame alors une vaste étude sur le système féodal et l’Ancien Régime.

Il en publie une première ébauche sous le titre « L’Ancien Régime et la Révolution » (1856).

Mais sa pensée sur le sujet était loin d’être définitivement établie, puisqu’il travaillait encore sur le manuscrit, au moment de sa mort à Cannes le 16 avril 1859.

 2° LES APPORTS DE TOCQUEVILLE AUX SCIENCES HUMAINES.

La réflexion intellectuelle d’A.de Tocqueville est un outil pour l’action politique. S’il fait œuvre à la fois d’historien, de sociologue, de politique et de philosophe, c’est pour rendre la démocratie intelligible et pour agir dessus.

Le 19e siècle est le siècle du changement social. Tous les grands penseurs de la période ont cherché à donner un sens à ces deux grands événements que constituent la Révolution française et la révolution industrielle.

Tocqueville ne se distingue pas de Marx ou de Durkheim par son objet d’étude, la modernité, mais par l’interprétation qu’il propose.

Ce qu’il constate et tente d’expliquer, c’est le passage de la société aristocratique à la société démocratique, l’avènement de cette dernière n’est pas réglé par une loi de l’Histoire, il est moins encore synonyme de progrès.

Ce sera la démocratie mais on ne sait pas encore laquelle. C’est ce déterminisme bien tempéré dans lequel il y a place pour le hasard et pour l’action des hommes qui distingue vraiment Tocqueville des penseurs de son siècle.

Peut-on faire de Tocqueville un fondateur de la sociologie comme M.Weber ou E. Durkheim ?

Difficilement, en effet, il fait partie de la catégorie des grands précurseurs.

Bien sûr, il travaille et pense en sociologue quand il développe une vision systémique de la société, accorde une place essentielle aux mœurs, met l’accent sur le pluralisme des causes, pratique la méthode comparatiste, met en évidence des effets émergents (effets pervers) et construit des typologies idéales.

Mais a contrario, il lui manque le projet scientifique et la rigueur méthodologie qui caractérisent les grands sociologues au début de ce siècle.

Du côté du projet : A. de Tocqueville ne vise pas la fondation d’une nouvelle discipline scientifique.

Il travaille à mettre la réalité sociale en correspondance avec ses valeurs, c’est un philosophe engagé.

Du côté de la méthode : le sociologue contemporain peut lui faire le reproche de négliger le travail de conceptualisation, de passer sous silence les faits contraires à sa thèse.

C’est un auteur qui veut être lu de l’ensemble de la classe politique.

La sociologie de Tocqueville est faite à la fois d’objectivisme (impartialité à l’égard de la démocratie) et de subjectivisme (passion pour la liberté). Deux conceptions différentes qui scinderont la sociologie moderne.

 3° LES GRANDES LIGNES DE LA PENSEE DE TOCQUEVILLE.

Egalité et démocratie

L’égalisation des conditions est un processus, un mouvement inéluctable et universel qui fonde et définit la démocratie. Dans les sociétés aristocratiques, la condition sociale de chaque individu est définie par sa naissance et détermine la totalité de sa vie sociale. Dans les sociétés démocratiques, au contraire, les hiérarchies héréditaires sont abolies et chacun a en principe accès à n’importe quelle position sociale.

L’égalisation des conditions ne doit donc pas être entendue comme un processus qui conduirait à l’égalité entre tous, ce qui contribue à la moyennisation de la société. Il s’agit plutôt pour Tocqueville « d’une sorte d’égalité imaginaire », c’est-à-dire du sentiment partagé par tous d’être l’égal de l’autre. L’égalisation des conditions n’est donc pas incompatible avec le maintien d’inégalités réelles. Il existe toujours « des maîtres et des serviteurs », mais la relation de subordination n’est plus héréditaire et immuable, mais « libre » (car elle dépend des mérites individuels) et temporaire : chacun a le sentiment que sa situation pourrait changer, et qu’il pourrait connaître la situation de l’autre dans cette société où la mobilité sociale est désormais possible.

Cette égalisation des conditions se nourrit de la passion pour l’égalité des hommes. Plus les situations se rapprochent, plus le sentiment d’inégalité est fort et plus la revendication d’égalité se fait pressante. Ainsi, se met en place un processus permanent qui n’aboutit jamais à la disparition des inégalités mais qui constitue la base du fonctionnement de la société.

Dans une société qui se veut égalitaire, la conscience des inégalités est très forte.

En définitive, plus les inégalités se réduisent et moins elles sont acceptées. On par le de frustration relative pour caractériser cette situation où le sentiment de ne jamais atteindre la position à laquelle on estime avoir légitimement droit, dans la mesure où il se trouvera quelqu’un bénéficiant d’une position avantageuse. L’égalitarisme nie les différences légitimes entre les individus et va donc à l’encontre de la logique méritocratique.

 Le développement de la démocratie

Le développement de la démocratie se fait en deux étapes :

-          La démocratie est d’abord sociale. Elle est l’expression à la fois d’un état (celui de l’égalité sociale) et d’un processus (le mouvement permanent d’égalisation). L’abolition des privilèges permet l’apparition de la démocratie de droit et le nivellement des conditions économiques entraine une démocratie de fait.

-          La démocratie est ensuite politique car plus les inégalités se réduisent, plus elles deviennent criantes et insupportables. Elles suscitent alors des luttes politiques pour leur suppression. La démocratie politique est la forme institutionnelle de la démocratie sociale. Donc une démocratie de droit se traduit par l'abolition des privilèges héréditaires et par la liberté et l'égalité des individus face à la loi ;

 Les effets pervers de l’égalisation des conditions ou « l’égalité contre la liberté »

L’égalisation des conditions est un mouvement qui transforme toute la société. Il est inéluctable et personne ne peut s’y opposer. Toutefois, il peut conduire à une quête sans fin d’égalité. Cette « passion pour l’égalité » peut menacer la liberté.

C’est essentiellement dans le renoncement à la liberté que se trouve, selon Tocqueville, le danger majeur pour la société démocratique. Mais, c’est dans la préférence pour l’égalité qu’il faut rechercher l’origine des maux de la société démocratique.

Ainsi, l’égalité isole et affaiblit les hommes conduisant à l’individualisme, au goût du bien-être, au repli sur soi et au désintérêt pour la chose publique.

La passion pour l’égalité l’emporte sur la liberté parce la liberté suppose des efforts et des sacrifices (réaction, mobilisation, action, risques, …) alors que l’égalité rend les choses plus faciles et procure des jouissances immédiates. L’homme démocratique fait en quelque sorte le choix de la simplicité. Mais ce choix le rend à nouveau dépendant.

En préférant l’égalité à la liberté, l’individu se soumet au conformisme, à la tyrannie de la majorité, au despotisme démocratique et devient plus individualiste.

 La tendance au « conformisme ».

Le risque encouru par les sociétés démocratiques vient du fait que, puisque les hommes se valent, ceux-ci ont tendance à considérer que les opinions se valent.

Les idées et les avis de chacun se ralliant nécessairement à l’avis général et majoritaire, cela peut aboutir à des dérapages qui consisteraient à combattre les croyances et points de vue qui s'éloignent de ceux du plus grand nombre, à tel point qu'ils ne peuvent plus s'exprimer.

Selon Tocqueville, la démocratie engendrerait le conformisme dans les opinions.

Il dénonce ainsi l'absence d'indépendance d'esprit et de liberté de discussion en Amérique et va même jusqu'à comparer la difficulté d'exprimer une opinion critique à celle qui pouvait exister en France sous la monarchie : comme il fallait commencer par flatter le roi pour avancer une opinion hardie, il faut, en Amérique, commencer par flatter le peuple si on veut arriver à s'exprimer. Quand toutes les opinions sont égales et que c'est celle du plus grand nombre qui prévaut, c'est la liberté de l'esprit qui est menacée avec toutes les conséquences qu'on peut imaginer pour ce qui est de l'exercice effectif des droits politiques.

Cette situation peut conduire à une certaine démagogie de la part des hommes politiques qui promettent beaucoup pour plaire au plus grand nombre.

 La « tyrannie de la majorité ».

Tocqueville se préoccupe plus particulièrement de la règle de la majorité, qui, bien qu’au cœur du fonctionnement des régimes démocratiques, n’est pas sans effets pervers.

Chacun sait qu’à défaut d’être en mesure d’atteindre en toutes circonstances l’unanimité, un régime [démocratique] fonctionne selon la règle de la majorité. D’après cette règle, la majorité peut imposer ses décisions à la minorité dans la mesure où elle est censée représenter la volonté « du plus grand nombre ». Mais si elle agit comme si la minorité n’existait pas, qu’elle en ignore absolument les intérêts et les avis, pire, qu’elle l’opprime, on est en présence d’une tyrannie curieusement exercée au nom de la démocratie.

La majorité a toujours raison et la minorité toujours tort.

L’opinion publique devient une telle puissance que les individus peuvent hésiter à s’y opposer.

La tyrannie de la majorité est donc cette capacité qu’a la majorité, dans les sociétés démocratiques à imposer ses idées et ses façons de vivre à un individu qui renonce à exercer son autonomie.

Le « despotisme démocratique ».

La toute puissance de la majorité et l'absence de recul critique des individus ouvrent la voie au danger majeur qui guette les sociétés démocratiques : un despotisme d'un type nouveau que Tocqueville voit se profiler dans la transformation des hommes et de leurs passions.

Celle de l'égalité et celle du bien-être et ses « petits et vulgaires plaisirs » (= recherche de la satisfaction matérielle), et ils sont prêts à s'abandonner à un pouvoir qui leur garantirait de satisfaire l'une et l'autre, même si c'est au prix de l'abandon de leur liberté.

Comment les hommes pourraient-ils être conduits à renoncer à leur liberté ?

À travers un mécanisme progressif et subtil qui amène les individus à confier de plus en plus souvent leur destinée entre les mains de l’Etat. Dans une société démocratique, il semble effectivement plus simple de s'en remettre à lui pour assurer une extension de l'égalité des conditions qui commence dans le domaine politique et qui est encadré par des lois. C'est l'État qui a pour charge leur élaboration et leur mise en œuvre puisque lui seul est à même d'apporter l'uniformité de traitement que requiert ce type de société.

À partir de là, l'État peut progressivement mettre les individus à l'écart des affaires publiques (« les fixer dans l'enfance ») puisqu'il fait si bien à leur place ce à quoi ils aspirent. Enfin, fort de cette légitimité, et pour toujours mieux réaliser l'égalité et le bien-être, il peut étendre sans cesse les « règles compliquées, minutieuses et uniformes » qui encadrent la vie sociale jusqu'à étouffer toute velléité (= intention) d'autonomie. Le despotisme prend ainsi la forme d'un contrôle d'autant plus pernicieux qu'il se donne les couleurs de la démocratie. Ainsi, on arrive à l’égalité (en apparence) sans la liberté.

Les tyrans peuvent ainsi surgir en promettant au peuple de protéger sa quiétude (= préserver sa situation, garantir la progression son confort matériel) et de lui éviter les inconvénients de l’anarchie qui résulte d’une liberté excessive.

Dans les sociétés démocratiques, les individus ont tendance à limiter leurs relations sociales à leur entourage immédiat (famille, amis, etc.), à porter un intérêt exclusif à leurs affaires personnelles et à se contenter, en matière de liberté, de refuser l’oppression.

Ce repli des individus sur leur sphère privée permet le développement d’un état centralisé tout-puissant qui réglemente la vie des citoyens et supprime leur autonomie individuelle sans pour autant les opprimer de façon violente. Les citoyens acceptent d’autant mieux cette privation d’autonomie que l’Etat les traite de façon égalitaire.

Le despotisme démocratique est donc cette insertion d’un Etat tout puissant et bienveillant dans la vie des individus qui renonce à leur autonomie individuelle au profit d’une égalité de traitement.

 Un autre risque lié à l’égalisation des conditions : la montée de l’individualisme.

« […] L’aristocratie avait fait de tous les citoyens une longue chaîne qui remontait du paysan au roi ; le démocratie brise la chaîne et met chaque anneau à part ».

A travers cette phrase, Tocqueville nous montre que dans la société aristocratique, la position sociale donnait des obligations et des devoirs à ceux qui en faisaient partie, de sorte que chaque individu était lié à plusieurs de ses concitoyens. Dans les sociétés démocratiques, au contraire, les individus se figurent volontiers que leur destinée est entre leurs mains, qu’ils ne doivent rien à personne et qu’ils n’attendent rien de personne.

La société démocratique transforme donc le lien social en faisant émerger un individu autonome. C'est une source de fragilisation qui peut déboucher sur une attitude de repli sur soi.

Comment ce que Tocqueville appelle l'individualisme peut-il naître de la démocratie ?

En favorisant l’égalité et l’accroissement du bien être matériel, la société démocratique brise les liens de dépendance entre individus et entretient l'espérance chez l’individu que son bien être matériel peut encore s’accroître sans qu’il ait à compter sur autrui. Il devient ainsi parfaitement possible pour son existence privée de s'en tenir aux siens et à ses proches. L’égalisation des conditions en rendant ainsi possible l’isolement vis à vis d’autrui remet en cause le lien social ainsi que l’exercice de la citoyenneté.

La société démocratique peut donc conduire ses membres à abandonner, presque volontairement leur liberté tant ils sont aveuglés par les bienfaits qu’ils attendent de toujours plus d’égalité.

Eblouis par l’enrichissement, le désir d’une plus grande satisfaction matérielle et la recherche du confort individuel diminuent la vie culturelle, les citoyens oublient de participer à la vie politique qui, du même coup, s’appauvrit.

Le premier danger de la société démocratique est donc de pousser les citoyens à s’exclure de la vie publique qui devrait pourtant être une préoccupation essentielle.

 L’individualisme pour Tocqueville, se définit comme étant le choix des membres d’une société démocratique de se replier sur leurs affaires privées et de se détourner des affaires publiques.

 Les moyens d’éviter les dérives de la société démocratique

Les remèdes et les antidotes aux maux de la société démocratique existent. Derrière chacun d’entre eux se cache un principe essentiel selon Tocqueville : les risques que la société démocratique fait peser sur la liberté peuvent être neutralisés par la liberté elle-même.

 Ces remèdes sont les suivants :

- La séparation des pouvoirs (exécutif et législatif) et l’indépendance du pouvoir judiciaire. La force des tribunaux garantit l’indépendance individuelle et limite le pouvoir politique. Le système judiciaire joue le rôle de contre-pouvoir dans les sociétés démocratiques car il permet à l’individu faible et isolé de faire reconnaître ses droits.

- La liberté de la presse permet au citoyen de s’exprimer et de s’adresser à l’ensemble de la nation.

- Le développement et la vitalité des associations permettent au citoyen de se défendre contre les exigences du pouvoir. En démocratie, sans l'association, les individus sont trop faibles et isolés pour faire aboutir une nouvelle idée. La valorisation du tissu associatif, lequel contribue à la paix sociale et favorise la participation effective des citoyens, est une des meilleures garanties de la qualité de la vie démocratique. Les "corps intermédiaires", porteurs de liberté, doivent permettre de combattre efficacement les nouvelles formes de despotisme. Pour Tocqueville, il s'agit de rendre la sphère publique, les institutions et la culture civique au peuple.

Donc, les associations constituent un contre-pouvoir et elles favorisent la création de liens sociaux entre les individus.

Enfin, elles entretiennent l’intérêt pour la chose publique. Ainsi, les dangers inhérents à la logique démocratique peuvent être conjurés par l’association sociale et politique. L’association constitue donc, là aussi, un contre-pouvoir pour Tocqueville.

- La religion joue le rôle de ciment social. Elle permet en effet de resserrer le lien moral en offrant d’autres objectifs aux hommes que les jouissances matérielles et en imposant des  devoirs à chacun vis-à-vis des autres.

 4° L’ACTUALITE ET LES PROLONGEMENT DE LA PENSEE DE TOCQUEVILLE.

-Le repli sur la sphère privée
Le Nimby ou « l’effet nimby »(Not In My BackYard= « pas dans mon jardin ») est une forme d’action collective locale visant à repousser les externalités négatives sur le reste de la collectivité : rejet d’un aéroport, d’un centre de traitement des déchets ou encore les maisons fermées pour adolescents délinquants.

Il renvoie à l’individualisme tocquevillien, caractérisé par le désintérêt de la sphère publique au profit de la sphère privée. Certains politiques réagissent par le clientélisme électoral, c’est à dire la promotion des intérêts catégoriels au détriment de l’intérêt général.

-La montée de l’abstentionnisme
L’abstentionnisme en France touche désormais presque la moitié des électeurs. Il illustre la progression de l’individualisme démocratique pressentie par Tocqueville.
Le « cens caché » est une expression de D. Gaxie utilisée par référence au suffrage censitaire, lequel s’oppose au suffrage universel. Autrement dit, l’électorat n’est plus représentatif de la population. Les catégories les plus touchées par l’abstentionnisme sont les jeunes, les femmes, les défavorisés, les moins diplômés.

Deux explications à cette abstention importante :

-Soit les individus présentent une socialisation politique insuffisante c’est-à-dire qu’ils pensent qu’ils ne sont pas suffisamment compétents pour voter

- Soit ces individus ont suffisamment de connaissances dans le domaine politique, mais l’offre politique formée par les candidats et les partis qu’ils représentent ne correspondent pas exactement à leurs aspirations, à leurs attentes.
Les résultats des consultations électorales sont faussés car l’abstentionnisme n’est pas uniformément reparti suivant les différentes variables sociales En découle une crise de légitimité des institutions démocratiques. Exemple : les intérêts des chômeurs ne sont pas prioritaires.

- La professionnalisation de la représentation politique
La démocratie représentative est le fait que les représentants agissent au nom de ceux qui les ont mandatés pour les défendre. Ils exercent un mandat représentatif et non impératif. Le système représentatif moderne se caractérise par une assemblée législative élue.
La professionnalisation de la représentation politique est le fait que les activités politiques soient exercées par des professionnels qui en font leur activité principale. Elle se justifie par la nécessité de compétences particulières comme la connaissance du Droit.
Ce phénomène illustre le risque de despotisme ; les élus peuvent s’arroger le droit de juger de l’intérêt de leurs mandants.
Par ailleurs, il illustre également le risque de désintérêt de la sphère publique de la part d’électeurs frustrés par l’action de leurs représentants ou découragés par leur propre incompétence
Il peut en résulter l’abstentionnisme des catégories les plus défavorisées, ou au contraire le vote sanction des catégories les plus instruites qui remettent en cause la légitimité de l’action des hommes politiques.

- L’importance de l’opinion publique
L'opinion publique est généralement définie comme étant un ensemble de jugements partagés par une grande partie des membres d'une société. Dans la perspective développée par Tocqueville, l'opinion publique est une contrainte sociale qui pèse sur l'individu. Reste à savoir par quels mécanismes l'individu perçoit cette opinion publique. Depuis les années 1960, cette opinion publique est recueillie par le biais d'enquêtes et de sondages diffusés par les médias (télévision, radio, presse). En principe, cela permettrait à la classe politique de s'informer sur la volonté populaire et de lui renvoyer ensuite la mesure de sa propre volonté. Pierre Bourdieu (Questions de sociologie, 1984) critique cette vision des choses en rappelant que tous les sondés n'ont pas une opinion sur toute chose et que les techniques de sondage créent artificiellement un consensus qui n'existe pas toujours. Dans la compétition à laquelle se livrent les différentes fractions de la classe politique et les différents médias, « l'opinion publique » serait une création destinée à légitimer et à imposer des choix. L'individu serait bien victime d'un effet de domination mais celle-ci émanerait du pouvoir politique ou des médias et non pas de la majorité de la population.

Aujourd’hui on parle même d’une « démocratie d’opinion » qui est le développement de l’importance de l’opinion publique dans la prise de décision politique. L’importance prise par les sondages en est la parfaite illustration. Ce phénomène renvoie à la tyrannie de la majorité.
Selon P. Bourdieu, l’opinion publique n’existe pas. Elle serait fabriquée par les média dans la mesure où ils choisissent les questions qu’ils soulèvent, ce qui entraîne le risque de manipulation ou de battage médiatique. Exemple : l’insécurité aux élections de 2002.
(Pour P. Bourdieu, la véritable opinion publique ne se révèle qu’à travers des manifestations, des pétitions, des lettres ouvertes, etc.)

Cette « démocratie du public » n’est pas sans risques : le débat politique est lié à l’actualité et devient volatile. Il est davantage le reflet des préoccupations de l’élite intellectuelle que celle des citoyens ordinaires. Exemple : mariage des homosexuels.

Les sondages influencent-ils le vote des citoyens ?

L’idée selon laquelle les sondages produisent l’opinion est très répandue. Les théories à ce sujet ont en commun de ne pas remettre en question les sondages eux-mêmes mais leur publication.

En d’autres termes, l’individu doté d’une opinion, neutre ou indécis, serait poussé à la modifier, voire à l’abandonner ou encore à adopter une autre lorsqu’il prend connaissance d’un sondage publié.

Concrètement, la publication de certaines enquêtes aurait pour effet principal de renforcer le conformisme en marginalisant, « chiffres à l’appui », les opinions minoritaires.

A la lecture des résultats de l’enquête, l’individu peut avoir deux types de comportements :

- il rejoint le camp majoritaire pour ne pas être isolé ;

- il renonce à son opinion en se réfugiant dans l’abstentionnisme ou le camp des « sans opinion » !

L’individu moderne serait un sujet privé d’idéaux qui ne peut résister aux modèles de comportement véhiculés par les mass média. Ce conformisme de l’individu démocratique inquiétait déjà Tocqueville.

Le terme anglo-saxon « mass media » se traduit en français courant par « médias ».

Sont ainsi désignés les moyens de communication de masse ou un petit nombre de personnes construit, sélectionne, code et diffuse une information pour un grand nombre de spectateurs ou d’auditeurs. (Dictionnaire des SES, J. Brémond et A. Gélédan, Belin 2002).

Cette crainte est à relativiser dans la mesure où la diversité semble plutôt l’emporter sur le conformisme dans les sociétés modernes.

Les partisans de cette approche insistent sur le fait que la société est constituée de différents groupes sociaux auxquels l’individu appartient par sa naissance ou par choix personnel et dans lesquels l’individu cherche à se fondre pour montrer qu’il en fait partie (= conformisme). En même temps qu’il marque son appartenance à un groupe cela lui permet également de se distinguer des autres.

Conformisme et différenciation ne sont vraisemblablement pas incompatibles dans nos sociétés démocratiques modernes.

Dans une démocratie, les lois sont établies selon le principe majoritaire. Ainsi la majorité risque-t-elle d’être tyrannique, c’est à dire d’imposer des lois injustes, conformes à ses intérêts, à telle ou telle minorité. Tocqueville oppose l’exigence de justice à la tyrannie de la majorité. Ainsi une loi démocratiquement votée n’est-elle pas nécessairement juste mais peut être le reflet des intérêts des plus nombreux. Exemples récents de la tyrannie de la majorité : port du voile, mariages homosexuels restent interdits.

 
   
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