DIVISION DU TRAVAIL ET EXTENSION DES MARCHES CHEZ ADAM SMITH
1) ELEMENTS DE BIOGRAPHIE:
A.Smith est né en Ecosse à Kirkcaldy une ville proche d’Edimbourg en 1723. Il enseigne à l’université de Glasgow où il occupe la chaire de philosophie morale dès 1751.
Smith interrompt ses fonctions universitaires pour devenir précepteur du duc de Buccleugh, ce changement d’orientation professionnelle va lui permettre de voyager beaucoup à travers toute l’Europe et notamment en France où il s’initie à l’économie politique en côtoyant les Physiocrates (courant de pensée libérale dont le chef de file en France est F.Quesnay, on peut aussi citer le ministre français Turgot. Les idées majeures de ces auteurs aux sciences économiques peuvent se résumer autour de trois axes :
- Ils prônent l’enrichissement matériel et non monétaire essentiellement basé sur l’agriculture
- Ils ont créé le premier circuit économique intitulé « Tableau économique »
- Ce sont les premiers libéraux avec leur vive critique de l’Etat notamment
De retour en Ecosse, il écrit son ouvrage célèbre « Recherches sur la nature et les causes de la richesse des Nations » en 1776. Ce livre fonde la science économique car il propose des paradigmes qui serviront de bases aux futurs débats économiques, c’est en cela que cette œuvre est majeure encore aujourd’hui.
Il meurt en 1790 à Edimbourg
2) LA PLACE DE SMITH DANS L’HISTOIRE DE LA PENSEE ECONOMIQUE.
Le titre de père fondateur de l’économie politique lui fut décerné dès le début du 19e siècle pour J.B.Say.
Smith est à la fois le père fondateur de l’école classique anglaise mais aussi du courant libéral.
De nombreux auteurs s’inspireront de lui :
- Les classiques dont il est le chef de file développeront sa théorie de la valeur travail, la non-intervention de l’Etat dans l’économie, la main-invisible et sa théorie du libre-échange (théorie des avantages absolus)
- K.Marx lui empruntera sa théorie de la valeur travail.
- Le courant néoclassique s’opposera à la théorie de la valeur travail mais développera de nombreuses analyses de Smith comme l’utilitarisme c’est à dire que l’on considère comme hypothèse de raisonnement que les individus sont rationnels et qu’à l’origine de tout comportement on trouve la volonté de maximiser sa satisfaction ; on peut aussi citer l’autorégulation du marché (= non-intervention étatique dans la sphère économique)
Il considère que la richesse provient de la production matérielle (c’est à dire la production de marchandises) et que différents moyens permettent d’accroître cette production afin d’enrichir la nation.
Le premier moyen d’augmenter la production est de diviser le travail.
Le second moyen d’enrichir la nation est de laisser les individus s’enrichir ; car en œuvrant pour leur intérêt personnel, ils enrichissent naturellement la nation toute entière ; c’est la fameuse notion de « main invisible ». En effet, pour s’enrichir, les individus doivent créer des activités, qui profiteront à toute la société.
Le troisième moyen pour s’enrichir consiste à se procurer les produits au meilleur prix. Sur le marché intérieur, cela est possible par la concurrence que se livrent les différentes industries. Il est également possible d’acheter à l’extérieur ce que le marché intérieur ne peut offrir à un prix plus bas. Smith préconise donc le libre-échange entre les nations.
Enfin, Il faut respecter la liberté. A. Smith croit au nécessaire respect de l’ordre naturel. Cet ordre naturel signifie implicitement que l’économie de marché est naturelle (ce n’est pas le résultat d’une volonté humaine) et qu’elle est le meilleur des systèmes puisqu’elle assure l’équilibre et le fonctionnement harmonieux de la société. L’économie s’équilibre donc automatiquement et l’Etat ne doit pas intervenir dans son fonctionnement. L’Etat doit seulement se limiter à trois fonctions : tout d’abord, protéger la nation contre les autres (armée), ensuite protéger les individus contre l’injustice et l’oppression (justice et police) et enfin, s’occuper des travaux d’infrastructures nécessaires aux développement économique mais que le secteur privé ne peut prendre en charge par manque de rentabilité (construction de ponts, creusement de canaux, etc.).
3) LES GRANDES LIGNES DE LA PENSEE DE SMITH.
La publication de l’œuvre maîtresse de Smith, Recherche sur la nature et les causes de la richesse des nations (1776), coïncide avec l’essor de la révolution industrielle dans le nord du Royaume-Uni.
Smith est l’un des premiers à s’interroger sur l’origine et les mécanismes de ce capitalisme naissant.
Il repère dans la division du travail le mécanisme central du progrès économique et voit dans l’échange un puissant catalyseur (= stimulant).
Ainsi, la division du travail apparaît comme un élément essentiel pour comprendre l’ensemble des mécanismes qui sont à l’origine de l’apparition du capitalisme et de la grande industrie dans nos sociétés. Les bouleversements économiques et sociaux auxquels elle a donné naissance constituent les caractéristiques essentielles de nos sociétés modernes : salariat, concentration des entreprises, production de masse…
a) La division du travail
La division du travail a pour Smith deux vertus essentielles :
- elle est source d’efficacité productive
- elle est source d’harmonie sociale
Elle se situe donc au cœur du capitalisme car elle assure le développement économique et la cohérence sociale en répartissant de manière optimale les taches en fonctions des talents de chacun, division technique et division sociale du travail sont indissociables selon lui.
En bref… Division technique du travail et division sociale du travail
Il ne faut pas confondre ces deux concepts.
La division sociale du travail est le résultat de l’organisation de la société qui répartit les activités de ses membres en fonction du sexe, de l’âge, de l’appartenance à un ordre, etc. Elle permet la production de marchandises distinctes qui s’échangent sur un marché et qui répondent à la diversité des besoins des individus. Elle est donc à l’origine d’un « lien social marchand ».
La division technique du travail organise la production à l’intérieur de l’entreprise. C’est un mode d’organisation de l’entreprise qui vise à accroître l’efficacité du facteur travail (mesurée par la productivité du travail) en le rationalisant de manière optimale. C’est une forme d’organisation du travail. Elle suppose donc la coordination d’ouvriers spécialisées au sein d’entreprises de plus en plus grandes favorisant ainsi le phénomène de concentration des entreprises. Ainsi, au début de la révolution industrielle, les manufactures « dispersées » cèdent peu à peu la place aux manufactures « concentrées » qui réunissent en un même lieu les hommes et les machines antérieurement dispersés.
L’exemple de la manufacture d’épingles chez Smith pourrait laisser croire qu’il ne s’intéresse qu’à la division technique du travail, cherchant ainsi, à montrer l’efficacité de la division du travail comme façon d’organiser le travail.
Pourtant, lorsqu’il parle de la répartition des tâches entre « bouchers, marchands de bière et boulangers », cela correspond davantage à la division sociale du travail qu’à la division technique du travail. Preuve que Smith ne néglige ni l’une ni l’autre, mais analyse la première en s’appuyant sur la seconde.
b) Le travail : un élément central dans l’analyse de Smith.
La valeur en échange d’une marchandise (Smith parle également de « prix réel ») est mesurée par la quantité de travail nécessaire pour la fabriquer (c’est la fameuse théorie de la «valeur travail »). Lorsque quelqu’un achète une marchandise, il achète en réalité le travail d’autrui. Toutefois, pour pouvoir acheter une marchandise, il faut exprimer la quantité de travail qui a été nécessaire à sa production dans une unité monétaire.
Adam Smith associe le terme « richesses » à la production de marchandises, de biens matériels. N’est productif que le travail qui consiste à créer des marchandises.
En effet, pour A. Smith, tout travail n’est pas créateur de richesse. Constatant que les services disparaissent dès qu’on les rend, il affirme que le travail qui est à leur origine est improductif (EX : le travail des domestiques, du souverain, des magistrats…). Il n’est pas productif car il ne crée pas de valeur.
Remarque 1 :
Si c’est le travail productif qui crée de la richesse, le capital est toutefois nécessaire car il permet d’employer du travail. En effet, la division technique du travail entraîne l’emploi d’un nombre de plus en plus grand d’ouvriers dont il faut assurer la subsistance en attendant qu’ils réalisent une production. Comme par ailleurs, la division du travail provoque l’invention de machines afin de faciliter les tâches, il faut également avancer les biens nécessaires à la production. A chaque fois que l’on voudra accroître la division du travail, il faudra une accumulation préalable supplémentaire du capital. On voit ici qu’Adam Smith donne à l’épargne une grande vertu économique.
Remarque 2 :
La division du travail est à l’origine de l’enrichissement général. Or, pour que se poursuive cet enrichissement général, il faut continuer l’accumulation du capital afin de pousser encore plus loin la division du travail. Ainsi, l’existence d’une classe de capitalistes (ceux qui ont les moyens de réaliser l’accumulation du capital) est une des conditions nécessaire à la poursuite de l’enrichissement commun.
c) Comment expliquer l’apparition de la division du travail ?
Nous l’avons vu, la société industrielle est en train de naître sous les yeux d’A. Smith. Cette société industrielle, fondée sur le profit et animée par la recherche de l’intérêt personnel fait naître des interrogations nouvelles :
Comment concilier l’intérêt général avec les égoïsmes individuels ? Comment une société constituée d’individus aussi différents peut-elle fonctionner ?
Adam Smith va montrer que c’est le marché, lieu naturel d’organisation des échanges, qui va assurer l’harmonie et l’ordre social.
Smith considère l’échange comme un penchant naturel à tous les hommes.
C’est parce que les hommes échangent qu’ils ont besoin les uns des autres. Cette tendance au troc et à l’échange va conduire les hommes à se spécialiser dans l’activité pour laquelle ils sont les plus efficaces.
L’échange rend ainsi nécessaire la division du travail, et permet du même coup la diversité des talents.
Cette mise en valeur des talents va permettre de diversifier les occupations de chacun et permettre ainsi la satisfaction de tous. En d’autres termes, le talent exercé par un individu dans le seul but « égoïste » de satisfaire son intérêt personnel s’avère finalement utile à la société toute entière. « ce n’est pas de la bienveillance du boucher, du marchand de bière ou du boulanger que nous attendons notre dîner, mais bien du soins qu’ils apportent à leurs intérêts […].
Ainsi, par une « main invisible » se trouve « naturellement » assurée la compatibilité entre les égoïsmes individuels et l’intérêt général. En rendant les individus dépendants les uns des autres, le division du travail contribue à l’harmonie sociale.
d) Les conséquences économiques et sociales de la division du travail.
La division du travail est le meilleur moyen d'accroître la richesse des nations, car elle augmente la force productive du travail (c’est à dire la productivité du travail). Pour illustrer ce phénomène, Smith prend l'exemple d'une manufacture d'épingles. Sans division du travail, un ouvrier seul aurait bien du mal à produire 20 épingles dans une journée ; en revanche, dans la petite manufacture prise en exemple par Smith, les 10 ouvriers qui se partagent les 18 opérations nécessaires pour faire une épingle parviennent à produire 48 000 épingles par jour, soit une moyenne de 4 800 épingles par ouvrier.
Trois principales raisons expliquent que la division du travail permet d'augmenter la force productive du travail :
- l'accroissement de l'habilité dû à la spécialisation de chaque travailleur dans une opération très simple
- le temps gagné à ne pas passer continuellement d'une tâche à une autre (gain de temps) ;
- l'emploi des machines que la division du travail rend possible (possibilité de mécanisation de la
production).
NB : On retrouve ici un élément d’analyse important : selon Smith, le changement technologique est endogène dans la mesure où c’est la division du travail qui favorise l’intégration des machines au processus de production et conduit ainsi à l’amélioration des techniques. Le progrès technique est alors perçu comme une conséquence de la division du travail. L’extension de la division du travail rendant à son tour nécessaire le progrès technique.
En d’autres termes, la division du travail permet d’accroître la quantité de marchandises produites et de contribuer ainsi au bien-être général.
Division du travail et extension des marchés forment un cercle vertueux.
En bref… Qu’est-ce que l’extension des marchés ?
L’extension des marchés est synonyme de croissance des échanges.
Voir schéma en cours
Pour A. Smith, l’ouverture aux échanges extérieurs repousse les limites du marché intérieur. Ce faisant, les échanges s’intensifient rendant le développement de la division du travail nécessaire. L’efficacité du travail s’en trouve accrue, la production augmente apportant bien-être et enrichissement aux populations concernées.
Par ailleurs, Smith voit un grand intérêt à l’échange avec d’autres nations dans la mesure où il permet au pays de se procurer des produits à moindre coût. En d’autre termes, il vaut mieux acheter à un autre pays ce que nous ne sommes pas capables de produire mieux que lui ou si vous préférez, il vaut mieux acheter à un autre pays les marchandises qu’il produit avec une quantité de travail inférieure à celle que nous utilisons pour réaliser le même produit
e) La division du travail rencontre des limites sociales.
Smith le note lui même, la répétition quotidienne des mêmes gestes simples sur une vie entière ne sont pas de nature à développer l’intelligence du travailleur. Il reconnaît les effets abrutissants et déshumanisants de la division du travail sur l’ouvrier, conçoit aisément que cela puisse le gêner dans l’exercice même de ces fonctions de citoyens.
Toutefois, cette condition sociale exécrable de l’ensemble des ouvriers n’est pas de nature à remettre en cause la division du travail. C’est en quelque sorte le prix à payer pour que l’enrichissement collectif soit possible.
En revanche, il reconnaît la nécessité pour le bien de la société et de la nation d’en compenser les effets négatifs par la mise en place de mesures d’éducation populaire. Ce sera à l’Etat de jouer ce rôle. Ce dernier sera donc chargé de dispenser un minimum d’instruction obligatoire (lire, écrire, compter, quelques éléments de mécanique ou de géométrie, …).
Ce ne sont pas raisons humanitaires qui poussent A. Smith à recommander cette instruction publique. C’est parce que l’Etat, la société, la nation en générale y a un grand intérêt.
En effet, de l’instruction dépendent la décence, l’ordre et le respect de la hiérarchie ; autant de conditions importantes et nécessaires afin que la régulation naturelle et harmonieuse par le marché puisse continuer de fonctionner et que la division du travail puisse être intensifiée.
4) L’ACTUALITE DE SMITH ET SES PROLONGEMENTS
a) La division du travail : « technique de production » ou « technique de domination »
Pour Marx, la division du travail se traduit par une aliénation.
« L’aliénation » peut se définir comme la déshumanisation qui résulte des rapports de production capitalistes, c’est à dire des rapports qu’entretiennent les propriétaires des moyens de production (les capitalistes, la bourgeoisie) et ceux qui leur vendent, contraints et forcés, leur force de travail (les prolétaires).
Marx donne trois exemples d’aliénation au niveau du travail :
- l’ouvrier est dépossédé du produit de son travail, il lui devient étranger.
- Le travail qu’il réalise lui est extérieur : « dans son travail, l’ouvrier ne s’affirme pas, il se nie ; il ne
- L’ouvrier est dépossédé par l’exploitation capitaliste de ce qui fait l’essence même de l’homme, c’est à dire saliberté.
La division du travail n’est pas en elle même responsable de cette situation. C’est la conséquence logique et nécessaire du mode de production capitaliste qui, pour pouvoir se développer et perdurer, exige l’appropriation de l’ouvrier, de sa force de travail et de sa production.
Preuve que le débat autour de la division du travail est toujours présent, Stephen Marglin et André Gorz montrent que toute organisation du travail est à la fois une technique de production et une technique de domination. «Le but de la production capitaliste ne peut être que l’accroissement du capital lui-même et ce but étranger aux travailleurs ne peut être réalisé par eux que sous la contrainte. » (A. Gorz, Critique de la division du travail, 1973).
Stephen Marglin, à partir d'exemples historiques, va d'ailleurs plus loin que Marx en contestant l'efficacité même de la division du travail. Ainsi, par exemple, il critique l’idée de Smith selon laquelle la division du travail stimule l’invention et l’innovation en montrant que ces dernières se trouvent affaiblies par la spécialisation extrême des travailleurs dans la division du travail. En effet, la perte d’autonomie et d’initiative des ouvriers les rend peu enclins à s’investir individuellement dans l’amélioration de l’outil de production.
La division du travail est donc, dans cette logique, essentiellement le moyen de garantir à l'entrepreneur les moyens de sa domination en dépossédant l'ouvrier de tout pouvoir et de toute initiative.
Les conséquences sociales négatives de la division du travail ne sont pas des effets intentionnels : par la déqualification de l’ouvrier la bourgeoisie peut faire pression à la baisse sur les salaires et accentuer l’exploitation du prolétariat.
b) La théorie de Smith préfigure déjà l’organisation scientifique du travail
Au XIXème siècle, apparaît une certaine volonté de rationaliser le travail, notamment en optant pour une division du travail efficace. Taylor crée la première méthode globale de rationalisation du travail (l’OST). Ça n’est qu’à partir de ce moment que la division du travail connaît son plein développement.
Taylor a pour objectif d'organiser scientifiquement le travail de façon à lutter contre la flânerie des ouvriers et à augmenter la productivité. Pour cela, il affirme qu'il est nécessaire d'accentuer la division du travail et d'instaurer des normes précises de gestes et de temps (le fameux « time and motion study » et le bureau des études).
Taylor instaure une double division du travail :
- une division verticale avec une séparation stricte des activités de conception et des activités de réalisation. Il résumera cette idée à travers l’expression suivante : « c’est aux bureaux de penser et aux ateliers de fabriquer ».
- une division horizontale qui consiste à parcelliser les tâches en découpant le procès de fabrication en de nombreuses tâches simples et élémentaires. Chaque opération simplifiée sera confiée à un ouvrier et un seul.
L'influence de Taylor est considérable ; ses principes seront suivis dès le début du siècle aux États-Unis et dans l'entre-deux-guerres en Europe.
Henri Ford va poursuivre l’œuvre de Taylor en mettant en place un convoyeur mécanique (= la chaîne) qui permet de supprimer les temps de déplacement du produit en cours de fabrication entre deux postes de travail et surtout de régler la cadence de travail. Ford, soucieux de vendre sa production et conscient que les conditions de travail pénibles qu’il impose à ses ouvriers peuvent se retourner contre lui, met en place le principe du « Five dollars day ».
Il espère ainsi que, mieux payés que dans la majeure partie des autres usines alentour, les ouvriers donneront le meilleur d’eux-mêmes.
Le taylorisme et le fordisme sont des applications de l'analyse de Smith sur la division du travail : l'objectif de ces organisations est bien à terme l’augmentation de la productivité du travail par l’amélioration de l'habileté des travailleurs et la réduction des temps morts grâce à la division du travail. On peut même trouver dans l’organisation du travail mise en place par Henry Ford la vérification de l’idée de Smith selon laquelle la division du travail favorise l’intégration du progrès technique au sein de l’atelier (EX : c’est la division du travail qui permet l'utilisation du convoyeur mécanique fordiste).
c) Les dangers d’une division du travail trop poussée.
Selon Smith, un cercle vertueux devait se produire entre division du travail et extension des marchés. Mais une division du travail trop poussée à des effets pervers :
- Le travail devient monotone et répétitif ; l'ouvrier ne produit qu'une toute petite partie de chaque produit, il perd la dimension globale de son travail et n'a plus le plaisir du travail achevé.
- Le salarié perd en autonomie et en responsabilité, ce qui peut le démotiver. L'organisation scientifique du travail va perdre peu à peu de son efficacité, car elle a tendance à démotiver les travailleurs. La crise de l'organisation traditionnelle du travail prend toute sa mesure dans les années 1960 et se manifeste de différentes manières:
- L'augmentation du nombre des conflits sociaux ;
- L'augmentation du turn-over ;
- Des malfaçons, des rebus, des gaspillages liés aux sabotages de la production.
- De l'absentéisme…
Tout cela nuit à la productivité. Contrairement à ce que pensait Smith, une division du travail trop poussée peut parfois nuire à la force productive du travail.
Dès le début des années 60, Elton Mayo qui fait partie de « l’Ecole des relations humaines », montre lors d’une célèbre expérience menée à la Western Electric, que de bonnes relations humaines sont les plus puissants moteurs de la motivation et donc de l’efficacité du travail.
d) La prise en compte des limites du taylorisme et l’émergence des NFOT
Ainsi, pour lutter contre les effets pervers du taylorisme (épuisement des gains de productivité et remise en cause sociale), certaines entreprises vont modifier à partir des années 1970, leur mode d'organisation et de gestion du travail.
Qu’est-ce que cela signifie concrètement ?
Il s'agit de donner plus de responsabilité et un travail plus complexe (et plus intéressant) aux ouvriers afin d’enrichir leurs tâches et susciter ainsi leur motivation. Les tentatives de réorganisation cherchent donc à retrouver de la souplesse, de la fluidité là où précisément pendant très longtemps n’a régné que la division des opérations et des responsabilités.
On met d’abord en oeuvre une gestion plus participative de la main d'œuvre grâce à la création de groupes d'expression et de cercles de qualité durant lesquels les salariés volontaires donnent librement leur avis sur l'organisation de l'entreprise. Grâce à l'instauration d'une communication plus directe, les salariés peuvent définir conjointement leurs objectifs avec leur hiérarchie.
Ensuite vont se mettre en place de Nouvelles Formes d'Organisation du Travail (NFOT) :
- Rotation des postes : l'ouvrier change de poste à intervalles réguliers pour rompre la monotonie du travail ;
- Elargissement des tâches : recomposition du travail qui donc réduit la division du travail ;
- Enrichissement des tâches : des tâches de contrôle, de commande ou de maintenance sont proposées aux ouvriers ;
- Groupes semi-autonomes : équipes qui organisent elles-mêmes leur travail.
- Les « cinq zéro » (zéro panne, zéro stock, zéro délai, zéro papier, zéro défaut)
- Le principe des flux tendus dans lequel la demande régule directement la production. (la filière inversée de J.K.Galbraith)
Les NFOT ont-elles remis en cause la division du travail ?
En apparence, oui ! Dans la réalité, elle change simplement de forme, elle renouvelle les contraintes
(les impératifs de compétitivité), elle répond à de nouvelle exigences (normes ISO, flexibilité), etc..
Ainsi, les critiques faites par Marx -et par Smith lui-même - sur les effets néfastes de la subdivision des tâches peuvent être formulées encore aujourd'hui par de nombreuses personnes. Si la division du travail semble s'être assouplie, elle reste un des éléments-clés des sociétés industrielles. Les expressions « néo-taylorisme », « post-taylorisme » ou encore « anti-taylorisme » témoignent que l’orientation prise par l’organisation du travail vers une plus forte « participation » des salariés ne doit pas faire oublier la persistance d’une division hiérarchique du travail qui, bien loin d’avoir disparu, reste encore la règle dans bon nombre de petites et moyennes entreprises.
Ce constat n’est pas sans conséquence et pourrait selon certains auteurs conduire à concevoir le marché du travail comme un marché segmenté en deux parties :
- un noyau central, le cœur de l'entreprise, fait des fonctions les plus rémunératrices et les plus qualifiées (bureau d'études, d'ingénierie, et certaines activités tertiaires).
- un ensemble d'emplois périphériques, les moins qualifiés, les moins stables, concernant des travailleurs exécutant des tâches dévalorisées.
Par ailleurs, dans une société marquée par un chômage qui demeure important et de longue durée, on peut également s'interroger sur le rôle intégrateur du travail. Face au problème de l'aliénation et de l'exploitation évoqué par Marx au XIXème, surgit aujourd'hui le problème-clé de tous ceux qui n'ont même plus le droit d'être exploités parce que confrontés à des difficultés d’accès à l’emploi lui même. Situation qui a souvent pour conséquence l'exclusion.
e) La division du travail dépasse aujourd’hui largement le cadre de l’atelier
La division du travail n'est pas seulement une réalité au sein des entreprises, il existe une division du travail entre entreprises. On parle alors d’externalisation pour traduire ce prolongement de la division du travail en dehors de l’entreprise. Elle répond à une volonté de réduire les coûts et s’inscrit dans le cadre d’une stratégie de flexibilisation de la production. L’objectif ultime étant d’améliorer l’efficacité de la production.
L’externalisation des activités peut prendre deux formes :
- Elle peut consister à sous-traiter des activités qui ne sont pas directement liées à la production en faisant appel à une entreprise extérieure spécialisée dans l’entretien des espaces verts, le gardiennage, le transport, le nettoyage des locaux, la maintenance informatique, etc.);
- Elle peut également consister à confier à un partenaire externe (entreprise sous-traitante) une partie de la production parce qu’il y a un avantage de coût à suivre une telle stratégie.
Aussi efficace soit-elle, cette organisation peut conduire à des rapports de domination économique entre les entreprises donneuses d’ordre et les entreprises sous-traitantes. La vie et la survie des secondes dépendant étroitement des commandes passées par les premières. On s’éloigne quelque peu ici du fonctionnement harmonieux et équilibré spontanément généré par l’économie de marché que décrivait A. Smith.
L’ouverture aux échanges et la Division Internationale du travail (DIT)
La mise en pratique des propositions de Smith (notamment le libre-échange et la division du travail) mène à la spécialisation internationale et donc à la division internationale du travail. En effet, chaque pays va se spécialiser dans la ou les productions pour lesquels ses coûts de production sont les plus faibles et pourra les échanger contre des produits provenant d’un autre pays qu’il n’est pas capable de produire à meilleur coût. C’est la raison pour laquelle on parle de Division Internationale du travail (ou DIT).
De la même façon que la division du travail permet, au sein d'une nation, d'augmenter la force productive du travail, la division internationale du travail permet d'augmenter la force productive du travail mondial et donc d'accroître la création mondiale de richesses et l'étendue des marchés.
Cependant, cette DIT ne profite pas à tous de ma même manière. On peut notamment s’interroger sur le sort des pays qui n’ont aucun avantage de coût de production par rapport aux autres ??! On est ici encore bien loin des perceptive de développement harmonieux du monde et d’enrichissement général décrit par A. Smith.
La Division Internationale des Processus Productifs (= DIPP)
L’exemple des firmes multinationales constitue un exemple de la division du travail menée au sein d’une même entreprise à l’échelle planétaire.
Une firme multinationale (ou firme Transnationale) est une grande entreprise nationale qui possède ou contrôle plusieurs autres filiales de production dans plusieurs pays. Son activité productive s’exerce donc dans plusieurs pays ce qui lui permet de répartir les différentes étapes du processus de production dans différents pays en fonction de sa propre stratégie et des conditions socio-économiques présentes dans ces pays (fiscalité avantageuse, main d’oeuvre bon marché, proximité des consommateurs…). On parle alors de DIPP pour qualifier ce type d’organisation.
Exemples de FMN : IBM, General Motors, Nestlé, Renault, Rhône Poulenc, …
Un exemple de DIPP :
Voir schéma en cours